Discrétion et accompagnement
Accompagner, c’est bien sûr être là, à côté, présent et discret en même temps. Si la présence semble évidente, la discrétion par nature est moins relevée comme une nécessité. Et pourtant...
En quoi la discrétion est-elle inhérente à l’accompagnement ?
Elle tient peut-être à ce retrait nécessaire de l’accompagnant, qui consiste à se placer « à une distance bienveillante », c’est- à-dire veiller à « ne pas être trop » et à se rappeler que c’est à l’autre d’occuper une place, sa place… toute sa place. Le devoir- être de l’accompagnant est de restreindre ses manifestations, de les épurer de leur part intentionnelle, de détourner un regard qui se ferait trop inquisiteur.
La discrétion, c’est regarder ce qui est donné à voir par l’autre, l’accueillir, l’accepter comme tel, comme la seule vérité de l’instant à regarder, sans supposer que d’autres choses seraient à comprendre. Accompagner n’est pas déshabiller l’autre du regard, mais l’accueillir tel qu’il veut ou peut se montrer, dans l’entre-deux qu’il occupe et qui est révélateur de ce qu’il vit, à l’instant même de cet échange, ce partage. Et de fait, accompagner c’est partager. Ce n’est pas d’entrer avec force dans le jardin secret de l’autre. Si par aventure nous y sommes invités, alors restons discrets, avançons avec respect, mesure et précaution. La discrétion est une forme de pudeur, d’humilité, de retenue.
La discrétion est une distance vis-à-vis de l’autre qui se déploie, qui s’ajuste en permanence, qui éclaire juste ce que l’autre souhaite partager. Ni plus, ni moins… La discrétion n’est pas le terrain de jeux du pouvoir.
La discrétion du regard pour ne pas s’approprier ce qui souhaite demeurer dans l’ombre…
La discrétion, c’est être là, sans attente particulière, être là dans la joie apaisée d’être tout simplement là, dans la continuité de ce qui se donne à vivre dans la confiance de ce qui se révèle.
La discrétion, c’est manifester sa présence juste ce qu’il faut, ni trop ni pas assez.
La discrétion, c’est renoncer à répondre pour l’autre. C’est aussi une présence « pudique » qui pratique le retrait afin de laisser être l’accompagné. C’est laisser au mouvement « explorateur » de l’autre l’espace pour s’accomplir. C’est épargner à l’autre le poids de nos « encombrants », de nos transferts, de nos désirs.
Il ne s’agit aucunement de cesser d’être soi, mais simplement de faire glisser le curseur de la présence le long des graduations en fonction des avancées et des reculades de l’accompagné. La discrétion de l’accompagnant est à la hauteur de ce qu’il renonce à faire valoir. Cette réserve que l’on peut traduire par la juste mesure dénote une certaine forme de pudeur dans la relation. La discrétion veille à protéger de tout regard inquisiteur l’espace qui ne veut pas être dévoilé.
La discrétion est une façon de se conduire, d’être en relation avec tact et humanité. La discrétion préserve un laisser-être, un rapport au monde sensible et confiant.
La discrétion complète le « dispositif humain » nécessaire à la posture de l’accompagnant. Elle est une expérience de l’entre- deux qui invite à un ajustement constant de la distance, de la présence et de l’écoute. Elle influence le geste, la qualité de la relation et la posture.
Elle est une expérience intérieure faite de retrait et de renoncement. C’est une expérience « par soustraction », et qui encourage une forme de détachement et de recul. La discrétion encourage la disponibilité : être disponible à l’autre, l’accueillir sans attente, sans jugement. C’est une posture qui ne saisit rien, qui ne demande rien, qui n’enlève rien à l’autre.
Il ne fait aucun doute que la discrétion travaille de l’intérieur la posture de l’accompagnant, qu’elle encourage l’autre à exister pleinement et de la façon la plus authentique possible.
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