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Processus créateur en massage

La créativité surgit souvent là où on l’attend le moins : dans cet espace entre veille et sommeil, où l’esprit se relâche et s’ouvre à l’inconnu. C’est précisément dans cet état de relaxation profonde, favorisé par le massage, que jaillissent des éclats de conscience, des intuitions brutes, des élans créatifs insoupçonnés. A la différence de l’œuvre d’art qui s’ancre dans l’inconscient collectif, la créativité du massé est un élan intime, une force intérieure qui éclaire ses propres chemins d’expression et de transformation. Le massage ne se limite donc pas à la détente musculaire : il est aussi un puissant catalyseur d’idées, un révélateur de soi. Lorsqu’un corps s’abandonne aux mains expertes d’un·e praticien·ne, il se reconnecte à son monde intérieur, offrant un terrain fertile à l’émerveillement et à la spontanéité. Loin d’être une simple pause, c’est un voyage sensoriel qui permet à chacun d’explorer son potentiel créatif, dans un dialogue subtil entre sensations et expression. Et si, au-delà du bien-être, le massage devenait un outil de renaissance intérieure ?

NDLR : Pour éviter la lourdeur de l’écriture inclusive et conscient qu’il y a plus de praticiennes en massage que de praticiens, je fais le choix du féminin.

La créativité est un surgissement d’éléments inconscients ou préconscients qui s’assemblent à la faveur de l’état conscient de relaxation (conscience au bord du sommeil diraient les sophrologues) produit par le massage. Elle est à distinguer de la création d’une œuvre qui nécessite de passer ses apparitions d’une part à la moulinette du conscient et d’autre part de l’œuvre d’art qui puise sa source dans l’inconscient collectif. Un peu comme si la créativité était une irruption volcanique et la géothermie l’utilisation de ces énergies.

Sans nous illusionner sur la portée universelle de nos productions créatives, reconnaissons qu’elles ouvrent des portes à nos libertés intérieures, peuvent servir de matière à nos projets et de socle à nos changements. Oui, la Libre Expression Corporelle des personnes massées permet ces jaillissements d’éléments inconscients qui prennent du sens lorsque nous y associons la parole.

Le parti-pris de cet article consiste à considère la créativité du point de vue des patientes / clientes et se garde bien d’utiliser cette dynamique pour désigner l’état de concentration des praticiennes. En effet, selon nos techniques apprises, principes personnels et références théoriques nous oscillons entre deux pôles. Celui qui nous enjoint d’appliquer strictement des gestes connus et maîtrisés ; nous n’avons alors que faire de notre propre créativité lorsque nous massons. Et celui où nous devons laisser libre court à nos intuitions et inspirations ; c’est alors la masseuse qui parle ; mais peut-on écouter en parlant ? Je laisserai donc ce débat aux sensibilités des praticiennes et me centrerai sur la créativité de la personne massée ; position à la fois beaucoup plus humble et noble et qui la situe au centre de la relation. Je développerai plus loin, combien, en reformulant (verbalement et corporellement) ce qui est potentiellement chez notre massée nous lui permettons de mettre en œuvre les conditions pour que ses propres bouillonnements intérieurs l’éclaire.

Une des forces évolutives de la créativité est l’émerveillement et la jubilation. Il n’y a qu’à observer des personnes en train de peindre un mandala, de masser ou centrées sur toute autre création pour être admiratif de leur degré de concentration et d’enthousiasme. Tout leur être est mobilisé ; rien n’existe plus hors l’œuvre en devenir. Certains nomment cet état le flow. Lors de la « transe » qui accompagne l’acte créateur, on se coupe du monde et les réalisations personnelles ou collectives constituent des bulles qui isolent et protègent de la réalité.

Lors de l’animation d’un groupe de créativité, il importe que la thérapeute n’attende rien de particulier et reste disponible à accueillir ce qui vient sans soucis de hiérarchisation, de valeur, d’impératif d’évaluation… De même, en massant, nous pouvons être ce spectateur accompagnant.

Des auteurs incontournables

Donald Winnicott dans La créativité et ses origines (1970) décrit la créativité comme une pulsion. La création étant l’achèvement du processus. En effet, dans la créativité il s’agit surtout de se créer soi-même.  Et l’œuvre renvoie alors à son auteur une image de lui-même. 

Didier Anzieu décrit 5 phases du processus créateur qui mettent en lumière l’économie psychique liée à l’acte créatif :

  1. Le saisissement créateur, sorte de crise intérieure, source de l’inspiration ;
  2. Le décollage créateur consiste à fixer des images remontées de l’inconscient ;
  3. La créativité a pour fonction de former un ensemble avec les images remontées ;
  4. La composition proprement dite est une mise en œuvre par l’action du conscient ;
  5. La production de l’œuvre consiste à la détacher de soi.

Ou encore, concernant la créativité dans les groupes nommons :

  1. L’étonnement de ce qui émerge fait appel à la capacité à se laisser surprendre ;
  2. L’originalité et l’authenticité propre à tout commencement en opposition au banal ;
  3. La pensée décalée qui permet une fécondité ;
  4.  L’épuisement des idées ;
  5. La jubilation.

Ehrenzweig Anton pense que la créativité est une potentialité, tandis que la création concerne celles et ceux qui sont capables de donner à leurs pulsions une dimension universelle. Activité du préconscient qui consiste à lier des images, des affects et des représentations de mots, la créativité peut être considérée comme la possibilité de garder un contact étroit avec le chaos du processus primaire. Tandis que le créateur récupère les éléments dans un processus secondaire, l’ailleurs artistique est une transformation du réel pour une néo-réalité. (Ehrenzweig Anton – théoricien de l’art, britannique d’origine autrichienne, 1908 – 1966. L’ordre caché de l’art.)

La patiente / cliente au centre de la relation

Une rapide recherche permet de repérer les synonymes suivants à créativité : fantaisie, fertilité, imagination, innovation, inventivité.

De façon générale, la créativité est la capacité d’un individu à imaginer et mettre en œuvre un concept neuf, un objet nouveau ou à découvrir une solution originale à un problème. Cette création peut être un prélude à un processus de changement. Créer est le début d’une mise en acte. Ces états permettent des transformations psychiques chez les personnes massées. Une analyse de contenu de toutes les définitions recensées dégage trois grands sens :

  • Acte de créer quelque chose de nouveau ; 
  • Capacité à trouver des solutions originales ;  
  • Volonté de modifier ou de transformer le monde.

Pouvons-nous faire appel à la créativité des patientes en massant ?

Nos usagères peuvent-elles être créatrices de leurs expressions et de leurs devenirs ? Nombreux sont celles et ceux qui assimilent la Libre Expression Corporelle à de la créativité. Du point de vue de la patiente ou cliente cela peut se concevoir. En effet si la créativité consiste à laisser émerger des éléments inconscients, l’invitation à la Libre Expression Corporelle inconsciente joue sur ce registre. Cette vision a le mérite de mettre la cliente / patiente au centre du processus.

Du point de vue de la professionnelle, il en est tout autrement. En effet, si elle veut laisser la créativité de la personne massée s’exprimer, ce n’est pas à elle de mettre en avant ses propres qualités d’inventivité et d’imagination. Il y a déjà suffisamment à faire en cherchant à écouter et comprendre de l’intérieur sa partenaire pour reformuler l’existant de celle-ci.

Certaines se sentent enfermées dans les mouvements appris et, pour pallier à l’ennui ou la répétition, cherchent à utiliser d’autres gestes. Mais cette attitude revient à se centrer sur des objets partiels ou des savoir-faire au lieu de s’intéresser à l’être qui est avec nous. Rappelons que la plupart des mouvements appris sont à concevoir comme des éducatifs et que ce n’est pas avec des exercices que l’on dialogue. Que ce soit des pincés-roulés, des vibrations, des percussions, des traits-tirés… l’important est d’entrer en communication avec notre partenaire, en utilisant un vocabulaire qu’elle peut comprendre. Les gestes sont des supports au dialogue, ce ne sont pas les fondamentaux de la communication. Certaines pensent qu’en variant leurs mouvements elles apporteront de la fantaisie mais personne n’a jamais fait preuve d’innovation en répétant des choses connues.

Humilité et non vouloir

Notre positionnement de masseuse demande de l’humilité et du non vouloir pour l’autre. C’est nous élever à notre juste place que de permettre qu’un dialogue intérieur s’installe chez notre partenaire. Nous ne sommes pas payés pour être des créateurs, des imaginatifs, des innovants mais pour mettre en œuvre les conditions favorables pour que nos massées deviennent des créatrices conscientes des possibilités de leur vie. Cela peut paraître pour certaines moins jubilatoire qu’apporter soi-même la respiration du renouveau ; c’est pourtant un véritable acte d’amour que d’accompagner nos patientes / clientes sur leurs propres chemins de vie en étant à la fois disponible sur le plan humain et en retrait quant aux contenus.

Source

Par Jean-Dominique Larmet, Institut Camilli.

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